Extrait du "Hors-série Sciences et avenir-Mars/Avril 2006"

 

Existe-t-il des lois de l'histoire ?

La pertinente distinction tablit par karl Popper dans les années 1940 entre "historisme" - rien n'est indépendant de l'histoire et du moment où se situe une pensée ou une oeuvre - et "historicisme" - l'histoire est pour ainsi dire dirigée par des lois et donc prédictible - n'a hélas pas été retenue. Quoi qu'il en soit, Popper veut critiquer sous le nom d'historicisme toutes les idéologies (providentialisme, hégélianisme, marxisme,...) qui prétendent connaitre le sens secret de l'histoire et en donner une science. L'historicisme peut être cyclique ou linéaire. Sa version vulgaire n'est autre que l'idéologie de la conspiration, selon laquelle tout est manipulé par un groupe déterminé d'individus - francs-maçons, juifs, capitalistes...

Pour Karl Popper, il n'existe pas de lois du développement historique; dès lors, l'histoire des événements, comme celle des changements profonds des situations où se trouvent pris les hommes, avec leurs passions, leurs stratégies, leurs intérêts, leurs idées nouvelles surtout, est indispensable à la compréhension du passé et du présent. popper insiste sur le fait que toute histoire est histoire des problèmes et que, par exemple, l'enseignement des sciences ne saurait se passer de celui de leur histoire, conceptuelle et institutionnelle, sans que celle-ci prétende pour autant annuler le rôle fondamentale des contingences et de la créativité authentique des hommes confrontés à de la nouveauté. Si l'histoire n'a pas de "lois", comprendre un événement comme la Première Guerre mondiale, qui n'est pas le produit d'on ne sait quelle nécessité tragique ou dialectique, requiert de faire de l'histoire, c'est à dire d'analyser avec finesse la complexité des situations, des passions et des stratégies des acteurs.

Par ailleurs, Popper tente de prouver que la prédiction historique globale est impossible au moyen d'un argument dont les prémisses ne peuvent guère être niées, par exemple par un marxiste : 1) Si l(autoprédiction complète est impossible, cela vaut pour toute société de prédicteurs en intéraction, et aucune ne peut prédire tout son propre futur. La science ne peut prédire ses états futurs ; 2) le cours de l'histoire est fortement influencé par le développement des connaissances, via la technique ; 3) Nous ne pouvons donc pas prédire les aspects de l'histoire humaine qui sont influencés par le progrès de nos connaissances.

Alain Boyer